
Le Sénégal franchit une nouvelle étape dans sa quête d’autonomie stratégique. Réunis jeudi à Dakar, militaires, chercheurs, investisseurs et représentants du patronat ont affiché une ambition commune : bâtir une industrie nationale de défense capable de réduire la dépendance du pays aux importations d’équipements militaires.
Lors de cette Journée de mobilisation des investisseurs, le chef d’état-major général des armées (CEMGA), général Mbaye Cissé, a appelé les acteurs nationaux à s’engager pleinement dans le développement du secteur. Selon lui, la souveraineté d’un pays repose désormais autant sur sa capacité industrielle que sur la puissance de ses forces armées.
« Nous avons posé les premières pierres d’un édifice industriel qui a besoin de la contribution du secteur privé, des banques, des industries et des chercheurs », a-t-il déclaré.
Un cadre institutionnel en voie de mise en place
Le général Cissé a annoncé qu’un projet de loi sur l’industrie de défense nationale, déjà finalisé, a été transmis aux autorités. Ce texte prévoit la création d’une Agence nationale de l’industrie de défense, chargée d’assurer la coordination, la transparence et la cohérence entre les capacités industrielles locales et les besoins opérationnels des forces armées.
L’objectif : offrir un environnement d’investissement « clair, sécurisé et durable », tout en stimulant une mobilisation patriotique du capital national.
Le CEMGA a également insisté sur l’enjeu technologique : « Les ateliers, laboratoires et usines sont devenus des espaces déterminants pour la sécurité nationale. » Il encourage les jeunes ingénieurs et chercheurs à transformer leurs prototypes en projets industriels viables.
Réduire une dépendance jugée “critique”
Présidant la cérémonie, le ministre des Forces armées, Birame Diop, a souligné l’urgence de réduire ce qu’il appelle une « vulnérabilité critique » : la forte dépendance du Sénégal aux achats externes de matériel militaire.
« L’autonomie stratégique n’est pas un isolement, mais la capacité à défendre nos intérêts vitaux en toutes circonstances », a-t-il affirmé.
Le ministre a détaillé la stratégie nationale : maîtriser une partie de la chaîne de valeur, développer des capacités de conception, de fabrication et de maintenance, et structurer des filières compétitives grâce au partenariat avec le secteur privé. Ce dernier devra jouer un rôle clé dans la production, l’industrialisation et l’accès à de nouveaux marchés, notamment régionaux.
Pour soutenir cette ambition, l’État mise sur le futur cadre juridique, le FONSIS, la Banque des innovations et les partenariats public-privé. La stratégie 2025-2029 positionne d’ailleurs l’entreprise comme moteur central de la transformation économique.
Le patronat prêt à s’investir
Le président du Conseil national du patronat (CNP), Baïdy Agne, a salué une initiative « extrêmement positive » et confirmé que le secteur privé est « prêt à soutenir l’industrie nationale de défense ».
Selon lui, ce chantier représente un saut qualitatif pour la sécurité, mais aussi pour d’autres souverainetés essentielles, comme l’alimentation, l’énergie ou le numérique.
Il appelle à impliquer les PME, les jeunes entrepreneurs et les femmes cheffes d’entreprise dans les différents projets, notamment ceux liés à l’assemblage de véhicules militaires ou à la fabrication de munitions.
Une vitrine d’innovations et une ambition claire pour 2025
La journée a également mis en avant les travaux de jeunes chercheurs, dont trois projets déjà primés. Des visites de stands et des sessions portes ouvertes sont prévues pour sensibiliser les élèves des filières techniques de Dakar et Thiès à cette future industrie nationale.
L’objectif fixé par les autorités est sans ambiguïté : poser dès 2025 les bases d’un secteur industriel de défense robuste, durable, compétitif et créateur d’emplois qualifiés.
« En unissant nos forces, nous pouvons faire de ce secteur un pilier de notre souveraineté et un moteur de notre développement », a conclu le ministre Birame Diop.
