Seydi Gassama alerte sur les dérives possibles et appelle à un sursaut

Invité de l’émission Champ contre Champ sur la RTS, le directeur exécutif d’Amnesty Sénégal, Seydi Gassama, a livré une analyse incisive de la situation politique, économique et judiciaire du pays. Entre justice, libertés publiques, conditions carcérales et rôle des institutions financières internationales, il appelle les autorités à « éviter les dérives » et à garantir « le respect des droits de tous, sans exception ».

FMI : tirer les leçons du passé pour éviter l’austérité

Dès le début de son intervention, Seydi Gassama est revenu sur la relation entre le Sénégal et le Fonds monétaire international.
Il rappelle « le traumatisme du Programme d’Ajustement Structurel des années 1980 sous Abdou Diouf » et insiste sur la nécessité de ne pas répéter les erreurs qui avaient fragilisé les populations.
Pour lui, les politiques économiques doivent désormais protéger les droits sociaux fondamentaux et éviter toute mesure d’austérité susceptible d’aggraver les inégalités.

Justice : des avancées notables, mais une indépendance encore fragile

Gassama reconnaît des progrès significatifs dans le fonctionnement de la justice depuis mars 2024.
Il cite notamment :

  • L’affaire de l’enfant tué au Technopole, où les policiers mis en cause ont été arrêtés et jugés en moins d’un an et demi ;
  • L’affaire de Foundiougne, également traitée avec célérité.

Cependant, il met en garde contre tout risque d’ingérence politique :
« La justice doit être totalement indépendante. Aucun magistrat ne doit être sanctionné ou promu à cause de dossiers sensibles. »
Et de rappeler fermement : « Personne n’est au-dessus de la loi, pas même les forces de l’ordre, les députés ou toute autre autorité. »

Liberté de manifestation : des progrès, mais des tensions persistantes

Le défenseur des droits humains se félicite d’une évolution positive dans la gestion des manifestations.
Mais selon lui, des pressions politiques demeurent :
« Parfois, ce sont les acteurs politiques eux-mêmes, majorité comme opposition, qui poussent les préfets à bout. »
Il appelle donc à une classe politique plus responsable, afin d’ancrer durablement ces avancées encore fragiles.

Offense au chef de l’État : un délit dépassé

Sur le délit d’offense au chef de l’État, Seydi Gassama se montre catégorique :
« Ce texte doit être supprimé. Hérité des années 60, il n’a plus sa place dans une démocratie moderne. »
Il souligne que cette recommandation figurait déjà dans les conclusions des Assises de la Justice.

Abordant les auditions visant des militants du Pastef, il informe qu’Amnesty a sollicité du ministère de la Justice des aménagements pour faciliter la procédure des personnes vivant hors de Dakar : « Les victimes se trouvent aussi dans ces localités. Il faut un traitement équitable. »

Conditions carcérales : une réforme urgente et profonde

Sur la situation des prisons, Seydi Gassama se montre très préoccupé par la surpopulation et les conditions de détention alarmantes.
Il salue toutefois l’annonce de l’ouverture prochaine de la prison de Fatick, qu’il considère comme un pas positif.

Mais selon lui, cela ne suffira pas :
« Il faut repenser la politique pénale : promouvoir les peines alternatives et sortir de la logique de l’incarcération systématique. »

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