
La question intrigue économistes et observateurs : comment la dette du Sénégal a-t-elle pu grimper jusqu’à 120 % du PIB, comme l’a récemment affirmé le Premier ministre Ousmane Sonko, sans alerter plus tôt ? Dans une enquête détaillée, Jeune Afrique propose plusieurs éléments d’explication.
Selon le média panafricain, le Sénégal, sous la présidence de Macky Sall, aurait progressivement contourné certaines règles financières habituellement respectées sur les marchés. Pour emprunter à des taux plus avantageux auprès des banques locales, l’État aurait offert sa garantie souveraine aux établissements privés. Une pratique qui expose directement le budget national en cas de défaut de remboursement, souligne le journal.
Un haut fonctionnaire sénégalais, cité dans le document, décrit également un assouplissement notable des procédures :
« Autrefois, seul le ministre des Finances pouvait autoriser le décaissement de fonds publics. Les comptes bancaires de l’État étaient ouverts par le directeur du Trésor. Ces garde-fous ont été progressivement contournés. Les autorités ont accepté des financements hors budget, antidaté des contrats, modifié des écritures… Sans discipline comptable, il devient facile de manipuler le budget », explique-t-il.
Sur le volet extérieur, les divergences entre les chiffres déclarés par l’administration Sall et la réalité commenceraient dès 2018, selon une analyse publiée le 6 décembre par le think tank Finance for Development Lab. L’écart se creuse nettement en 2022 puis en 2023 : cette année-là, le Sénégal aurait déclaré 17 milliards de dollars de dette extérieure à la Banque mondiale, alors que le montant réel atteindrait 22,5 milliards, soit 5,5 milliards de dollars de différence. Au total, la dette cachée est estimée à 13,3 milliards de dollars.
Pour Jeune Afrique, l’objectif de ces pratiques était clair : préserver l’image d’une situation financière maîtrisée afin de conserver un accès aux marchés internationaux à des taux favorables et continuer à bénéficier de financements concessionnels des partenaires.
Le journal rapporte toutefois que, selon des sources proches de l’ancien président, l’explosion de la dette serait également liée à un « emballement » des investissements en fin de second mandat, à un moment où Macky Sall envisageait encore une nouvelle candidature.
Une combinaison de choix politiques, de pratiques comptables opaques et d’investissements accélérés qui expliquerait, selon l’enquête, l’ampleur de l’endettement aujourd’hui dévoilé.
