
Malgré l’alternance politique intervenue en mars dernier, les arrestations liées à des opinions exprimées sur la place publique se poursuivent. Une situation qui inquiète les défenseurs des droits humains, à l’image d’Alioune Tine, fondateur du think tank Afrikajom Center, qui appelle à une refonte profonde de la chaîne judiciaire.
« Il faut libérer Badara Gadiaga et Abdou Nguer. Leurs dossiers sont vides et leur maintien en détention n’a aucun intérêt », a déclaré M. Tine, estimant que ces cas relèvent « du débat démocratique normal, qui peut parfois s’enflammer en raison du contexte politique et de la nature des propos tenus ».
Une « révolution judiciaire » nécessaire
Pour le défenseur des droits humains, la solution passe par une réforme structurelle du rôle du procureur, notamment dans la gestion des dossiers liés à la liberté d’expression.
« La révolution judiciaire qui doit s’imposer est de mettre en retrait le procureur sur certaines questions. La régulation de ces sujets se fait déjà en temps réel sur les plateaux télé, par les animateurs, le tribunal des pairs, le CORED ou, en dernier ressort, le CNRA », a-t-il précisé.
Alioune Tine estime que le recours systématique à la justice dans ce type de dossiers revient à judiciariser le débat démocratique, au détriment des mécanismes d’autorégulation existants dans le secteur des médias.
« La police de l’espace public n’est pas de la compétence du procureur. À moins de vouloir transformer chaque opinion en infraction pénale. Il est temps de s’éloigner de cette tendance », plaide-t-il.
Le contexte : deux journalistes en détention
Pour rappel, Abdou Nguer a été arrêté pour offense au chef de l’État et diffusion de fausses nouvelles, tandis que Badara Gadiaga est poursuivi pour diffusion de fausses nouvelles et offense à une personne exerçant une partie des prérogatives du chef de l’État.
Ces affaires relancent le débat sur la liberté d’expression au Sénégal, à l’heure où plusieurs acteurs du monde médiatique appellent à une déjudiciarisation du débat public et à un renforcement du rôle des organes de régulation pour préserver la vitalité démocratique du pays.
