
Le 27 octobre 2025, le Premier ministre annonçait une baisse prochaine des prix de l’électricité, du gaz et des carburants, une promesse accueillie avec enthousiasme par les ménages. Mais quelques jours plus tard, le 6 novembre, le chef de mission du FMI, Edward Gemayel, tenait un discours bien différent :
« Les subventions pour l’énergie baissent de façon assez conséquente, de 30 à 40 % par rapport à cette année », a-t-il déclaré, saluant la “détermination” du gouvernement à réduire les compensations budgétaires.
Deux annonces, deux directions opposées : le gouvernement promet des baisses de tarifs, tandis que le FMI salue une baisse des subventions.
Un “paradoxe économique” selon Thierno Bocoum
Pour Thierno Bocoum, président du mouvement AGIR Les Leaders, la position du gouvernement manque de cohérence :
« Le gouvernement prétend vouloir faire payer moins à l’usager tout en payant moins à l’opérateur. C’est une équation économiquement absurde. »
Le modèle énergétique sénégalais repose sur un principe simple : l’État subventionne la différence entre le coût réel de production et le tarif payé par le consommateur.
Si cette subvention baisse sans réduction du coût de production, « il n’existe que deux options : soit les prix augmentent, soit la Senelec s’asphyxie financièrement », avertit Bocoum.
Une Senelec déjà sous tension
Le secrétaire général du SUTELEC, Habib Aïdara, confirme cette inquiétude :
« La Senelec est déjà asphyxiée par l’État, qui ne paie ni la compensation ni ses factures. L’État doit à la Senelec plus de 197 milliards FCFA. »
Une dette colossale qui met en péril la stabilité du réseau et pourrait, selon Bocoum, conduire à des délestages à moyen terme si la situation persiste.
Le poids du FMI et la tentation du populisme
Depuis la suspension du premier accord avec le FMI, le gouvernement cherche à anticiper les exigences de réduction des dépenses de compensation. La Loi de finances 2026 intègre déjà cette orientation afin de rassurer l’institution financière.
Mais pour Bocoum, le discours officiel manque de franchise :
« Le gouvernement a préféré enrober la cure d’austérité dans un emballage populiste. Le Premier ministre parle de baisse des prix pour masquer la baisse des subventions. »
Cette communication, estime-t-il, crée une illusion budgétaire : la Senelec serait contrainte de maintenir des tarifs bas sans ressources suffisantes, accumulant ainsi dettes et déficits.
Le “Gas-to-Power”, une promesse prématurée
Pour justifier la baisse annoncée, certains responsables évoquent le projet Gas-to-Power, destiné à alimenter les centrales avec du gaz domestique.
Mais selon Thierno Bocoum, cette explication ne tient pas encore :
« Le projet n’est pas en mesure de produire des effets tarifaires immédiats. Promettre une baisse des prix sur cette base relève du vœu pieux ou du populisme énergétique. »
Appel à la transparence
Thierno Bocoum appelle enfin à un “sursaut de réalisme et de transparence”, proposant trois mesures concrètes :
- Publier la trajectoire complète de réduction des subventions inscrite dans la LFI 2026 et ses effets sur les tarifs.
- Présenter un calendrier précis de mise en service du gaz domestique.
- Régler la dette publique envers la Senelec pour assurer la continuité du service.
Et de conclure :
« C’est à ce prix de la vérité et de la transparence que la promesse politique peut redevenir crédible. »
